LA REGENCE, CALDERA LUMINEUX

Publié le 25 janvier 2024 à 17:14

À l’occasion de la commémoration du tricentenaire de la disparition du Régent Philippe d’Orléans, le Musée Carnavalet présente, jusqu’au 25 février 2024, l’exposition « La Régence à Paris (1715-1723) ». Comme une balade dans une Histoire jusqu’alors trop mise de côté par les propositions muséales, 200 œuvres, réparties dans un parcours thématique et didactique finement pensé, invitent à découvrir et redécouvrir « l’aube des Lumières ».

Par Laurine Lafay-Pelorce

Bernard Picart, Monument consacré à la postérité en mémoire de la folie incroyable de la XXe année du XVIIIe siècle, 1720 CC0 Paris Musées / Musée Carnavalet - Histoire de Paris


L’OMBRE DU RÈGNE DE LOUIS XV COMME OMNIPRÉSENCE

À peine pénétrés dans l’exposition, nos yeux sont plongés dans un regard débordant de malice. Ce regard appartient à Louis XV enfant, peint par Auguste Audart Justinat. Aussitôt, nous comprenons ce que la Régence recouvre : une période politique et sociale dont la pierre angulaire est Louis XV, d’autant plus que celui-ci ne peut pas encore gouverner.

Nous suivons alors la direction indiquée par la main de Louis XV. Ce dernier nous fait explorer le contexte de l’émergence de la Régence. De la perte des repères successoraux caractérisant la mort de Louis XIV à l’éducation entièrement dédiée à la qualité de roi dont est pourvu Louis XV, nous découvrons l’émergence d’un nouvel échiquier politique. 

Augustin Justinat, Louis XV, roi de France, 1717 © Musée national des châteaux de Versailles et de Trianon, Dist. RMN-Grand Palais / Christophe Fouin

Notre visite débute ainsi avec Louis XIV et le Dauphin en carrosse devant Versailles et avec la Vue générale du château de Vincennes⁴. Les cartels, soulignant moins les techniques plastiques des œuvres que la portée historique des scènes représentées, achèvent de dévoiler les intentions de l’exposition : nous faire saisir l’importance de cette période de gouvernance suspendue. Nous suivons alors la direction indiquée par la main de Louis XV. Ce dernier nous fait explorer le contexte de l’émergence de la Régence. De la perte des repères successoraux caractérisant la mort de Louis XIV à l’éducation entièrement dédiée à la qualité de roi dont est pourvu Louis XV, nous découvrons l’émergence d’un nouvel échiquier politique. Notre visite historique débute ainsi avec Louis XIV et le Dauphin en carrosse devant Versailles et avec la Vue générale du château de Vincennes⁴. Les cartels, soulignant moins les techniques plastiques des œuvres que la portée historique des scènes représentées, achèvent de dévoiler les intentions de l’exposition : nous faire saisir l’importance de cette période de gouvernance suspendue.

À l’instar de sa prise de pouvoir, Philippe d’Orléans apparaît comme un coup de théâtre.

LE RÉGENT, ENTRE VISAGE PATERNEL ET GOUVERNANCE INNOVANTE

Nos regards et nos corps poursuivent leur exploration, serpentant avec plaisir le long des murs d’un bleu profond, parsemés de chroniques de l’époque. Une idée nous traverse : ne serions-nous pas au cœur de la Seine du Paris de 1715 ? Peut-être. Du haut de notre bateau, nous nous trouvons happés par la beauté chromatique du Festin de Didon et Énée, dont l’éclairage et l’encadrement doré subliment les nuances. Sont alors abordées la diplomatie et la restauration des fiançailles engagées par Philippe d’Orléans. De la sorte, l’exposition légitime Philippe d’Orléans en tant que Régent, jusqu’à en faire, à nos yeux, le visage paternel et royal de Louis XV.

Ainsi, malgré les scandales, les complots visant à renverser le Régent pour restaurer la liaison Paris-Madrid, l’échec financier de John Law exposant la fragilité du pouvoir malgré les efforts entrepris, nous retiendrons avant tout la profusion d’innovations, tant elles nous sautent aux yeux. Aux côtés de la révolution copernicienne et de la Triple-Alliance avec l’Angleterre et les Provinces-Unies (1717), les innovations architecturales émerveillent.

Jean-Siméon Chardin, La Partie de billard, vers 1720 CC0 Paris Musées / Musée Carnavalet - Histoire de Paris

AU CŒUR D’UN NOUVEL ART DE VIVRE EN PLEIN BOUILLONNEMENT


Désormais convaincus de la légitimité du Régent, nous pouvons quitter la sphère politique pour pénétrer dans la sphère privée de Philippe d’Orléans. Accueillis par les Parisiens dessinés sur des panneaux aux allures de portes, nous plongeons dans un art de vivre bouillonnant. À cet instant, la grandeur de la Vue de Paris s’impose à nous, de telle sorte que nous saisissons que l’art de vivre articulé autour des innovations architecturales n’est pas un élément annexe à la Régence : il en est la structure même.

Cet art de vivre se matérialise par le florissement des hôtels particuliers dans les faubourgs Saint-Germain et Saint-Honoré, par le pont tournant des Tuileries ou encore par la restructuration des Champs-Élysées, attestant du pouvoir en place, en parallèle de l’émergence du « style Régence ». Le Régent s’infiltre jusque dans l’art décoratif. Caractérisé par des formes courbes et contre-courbes, ce style revitalise le mobilier en le libérant de son austérité antérieure.

Au loin, nous entendons une musique de chambre. Elle nous attire. Nos sens en éveil, nous découvrons alors l’art du libertinage du Régent-artiste. Défenseur du dessin, de la musique, de l’opéra, et de la reconnaissance du théâtre à travers la commedia dell’arte, le Régent nous autorise, dans cette séquence, à nous immiscer dans ses plaisirs privés, fortement critiqués, autant qu’à prendre part aux salons littéraires si prisés. Une liberté nouvelle de critique naît, celle de l’Esprit des Lumières.


Comme un voyage dans le temps, les œuvres autant que les chroniques retranscrites résonnent en nous. Nous quittons « l’aube des Lumières », convaincus de l’influence de Philippe d’Orléans tant sur la gouvernance de Louis XV que sur le Paris d’aujourd’hui.

Pierre-Denis Martin, Vue de Paris, prise du quai de la Rapée sur la Salpêtrière, l’île Saint-Louis et l’île de la Cité, 1716
Dépôt du Musée du Louvre au Musée Carnavalet © Paris Musées / Musée Carnavalet - Histoire de Paris

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